Le développement humain, victime de sa complexité ?!

Par Philippe Parnet 

 

 

Développement humain, développement durable, de quoi s'agit-il ? Quels en sont les enjeux ? Et de quels espaces de développement parlons-nous ?

Le développement humain

Le développement humain dans sa conception diffusée et popularisée par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) en 1990 peut se définir comme le développement:

  • de la population, en privilégiant les progrès en matière de santé et d'éducation ;
  • par la population, en assurant sa liberté de participation à la production et aux décisions ;
  • pour la population, en améliorant son bien être et en réduisant les inégalités de richesse.

 

Le développement durable

Aujourd'hui, le discours tend à accentuer la recherche d'un développement dit durable (ou développement soutenable, sustainable development en anglais), concept apparu pour la première fois en 1987 dans le rapport « notre avenir à tous » de la commission des Nations Unies sur l'environnement et le développement (Rapport Bruntland). En France, le code de l'environnement le défini dans son article L.110-1 comme la satisfaction des besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.
Ainsi donc, les principes de base de ce concept de développement durable peuvent se résumer ainsi :
Le développement durable consiste à favoriser un modèle de croissance aujourd'hui qui n'hypothèque pas la capacité des générations futures à répondre aux enjeux de demain.
Le concept du développement durable afin d'atteindre l'objectif énoncé ci-dessus s'articule autours des principaux thèmes suivants :

  • le respect et la valorisation de l'environnement ;
  • le respect des conditions sociales ;
  • la mise en place d'un modèle économique sain et performant.

 

Les enjeux

Le rapport d'information du sénat n°436 du 28 juin 2006 sur les énergies renouvelables et le développement local place le développement durable au cœur de cinq enjeux essentiels et imbriqués : environnementaux, de civilisation, géostratégiques, économiques et sociaux.

Enjeux environnementaux
Le développement durable a pour premier objectif de garantir la préservation de la planète et la solidarité intergénérationnelle.
Les scientifiques estiment que, sans modification des comportements, l'effet de serre pourrait supprimer toute vie sur terre d'ici quelques siècles. Un réchauffement global de plus de quatre degrés emballerait l'effet de serre par dégazage des dioxydes de carbone (CO2) et du méthane (CH4) stockés dans les mers, les glaces et les sols forestiers tropicaux. Un réchauffement rapide de la terre atteignant les 30°C entraînerait la disparition de toutes espèces évoluées.

Enjeux de civilisation
D'ici 2050, la population sera multipliée par deux et la consommation par quatre alors que dans la même période, l'épuisement des ressources des énergies fossiles, pétrole, gaz, charbon, uranium est annoncé.
Il s'agit donc de préparer la transition énergétique en quittant « la civilisation des hydrocarbures fossiles » pour « une civilisation de la terre et du soleil ».
Cette transition qui implique une modification des comportements aura des répercutions dans tous les domaines des politiques publiques : environnement, éducation, recherche, énergie, logement, urbanisme, fiscalité, agriculture, transport... en particulier, cette révolution implique une nouvelle conception de l'habitat et de l'esthétique urbaine, l'émergence d'une nouvelle filière énergétique, la conversion de l'agriculture et une nouvelle gestion de la forêt.

Enjeux géostratégiques
L'importation des énergies fossiles pose avec une acuité particulière les questions d'indépendance énergétique et de sécurité d'approvisionnement de nombreux pays.
La dépendance énergétique de l'Europe pourrait passer de 50% aujourd'hui à 70% en 2030, situation qui donnerait aux pays fournisseurs une influence considérable sur les pays européens.
De plus l'augmentation des pays dépendant risquerait de provoquer une généralisation de conflits.
La situation est d'autant plus critique que les sources d'approvisionnement sont relativement peu diversifiées : La moitié environ du gaz consommé dans l'UE ne provient que de trois pays : la Russie (25%), la Norvège et l'Algérie, ce qui explique les craintes exprimées au plus haut niveau lors du conflit gazier russo-ukrainien début 2006. Quant au Moyen-Orient, il totalise les deux tiers des réserves mondiales et un tiers de la production mondiale de pétrole, ainsi que 40% des réserves de gaz (notamment Qatar et Iran).
L'enjeu est donc de renforcer notre indépendance énergétique. De repenser notre approvisionnement énergétique en ayant recours à des solutions locales et à diversifier notre « bouquet énergétique ».

Mais cet enjeu ne se limite pas au domaine énergétique. La lutte pour l'eau rentre aussi dans le cadre géostratégique.

Les politiques d'immigration avec les déplacements de population ainsi que les risques sanitaires rentrent aussi dans ce cadre.


Enjeux économiques :
Liée aux enjeux géostratégiques, la dépendance énergétique n'est pas neutre dans la balance des paiements, d'autant que la rareté faisant la cherté, le coût des énergies fossiles s'élèvera à mesure qu'elles deviendront plus rares.
Par ailleurs, la dépendance actuelle est telle que des études montrent qu'une hausse de 25% du prix de pétrole ne réduit la demande que de 1%.
Ainsi, l'hypothèse d'un baril (158,9 litres) à 50 dollars jusqu'en 2015, puis par anticipation sur l'épuisement de ressources, une hausse à 80 dollars voire plus n'est pas à exclure.
Aussi, la forte hausse des énergies fossile va rendre rentables dans de nombreux cas, les énergies renouvelables.
En effet, par exemple dans le cas d'une énergie conventionnelle, la part des combustibles fossiles représente environ 80% du prix final de l'énergie distribuée. L'impact d'une hausse du prix du pétrole sur la facture de chauffage est fort et immédiat. En revanche, les énergies locales sont nettement moins sensibles aux coûts des énergies fossiles.


Enjeux sociaux
Le développement durable peut avoir un impact considérable sur l'emploi : les énergies alternatives pourraient créer ou sauvegarder en France plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les années à venir, jusqu'à 150 000 à l'horizon 2030-2050.
En effet ces énergies impliquent de développer certaines filières encore embryonnaires. Et les énergies renouvelables possèdent un « contenu emploi » plus important que les autres. Par exemple le chauffage collectif au bois crée trois fois plus d'emplois en France qu'une installation équivalente utilisant de l'énergie fossile importée.
Les énergies renouvelables sont en outre des énergies de proximité et permette de relocaliser la production énergétique.

Compte tenu du coût de production d'une tep de 300 €, il est estimé que pour chaque millier de tep non importée et une répartition d'un tiers pour l'investissement et deux tiers pour l'emploi, entre 3 et 6 emplois durables pourraient être créés en France, sans compter les effets induits sur le reste de l'économie. Ainsi, en relocalisant le coût de l'énergie, le pays pourrait créer d'ici 2010 entre 30 000 et 60 000 emplois de proximité et jusqu'à 150 000 d'ici 2050, emplois liés au sol et donc non délocalisables.

 

L'espace de développement

Ainsi, le challenge pour les dirigeants actuels, et pour les générations qui seront aux commandes dans les deux à trois prochaines décennies, est de réussir à concilier avec les cinq enjeux globaux du développement durable, les objectifs du développement humain dont les besoins sont eux, ressentis sur le très court terme.

Aussi, la réalité de ces enjeux et de ces besoins est confrontée à un espace de développement humain particulièrement complexe ou toute action peut provoquer un certain nombre de réactions négatives qu'il sera nécessaire de maitriser ou tout au moins de prévoir et de corriger.

C'est pourquoi, il convient d'appréhender cet espace de développement humain afin d'en prendre pleinement conscience et d'anticiper les difficultés qui naitront immanquablement des suites des actions qui seront engagées.

Ainsi, l'espace de développement humain peut être appréhendé comme la combinaison des composantes, des dominantes et des fonctions suivantes:

  • les composantes correspondent aux éléments indissociables de l'action sur l'espace. Ce sont les acteurs, les idées et les moyens. Les acteurs, à partir d'un développement d'idées et dotés de moyens, interviennent sur l'espace.

• Les acteurs correspondent aux hommes, à tous les hommes qui évoluent dans cet espace. Il s'agit de professionnels comme de non professionnels. Ces hommes peuvent donc être des personnes conscientes ou des personnes inconscientes de leurs rôles au sein de cet espace.

• Les idées correspondent à des orientations puis à des choix d'actions élaborées à partir de l'ensemble des pensées et des études développées par les acteurs passés et présents.

• Les moyens quant à eux sont tous les dispositifs (outils réglementaires, techniques, partenariats, etc.) mis en oeuvre par les acteurs afin d'intervenir sur l'espace.

  • Les dominantes correspondent aux sphères de compétences et d'influences que sont les dimensions historique, spatiale, sociologique, politique, économique et culturelle qui fondent l'espace dans lequel nous évoluons.
  • les fonctions, habiter, travailler, se recréer, circuler et (se) protéger constituent les bases de l'organisation de la vie dans l'espace.

 


Ainsi, la compréhension de l'espace dans sa globalité intégrant les enjeux d'un développement durable et la volonté de faire progresser le développement humain posent une multitude de questions qui constituent de véritables défis pour l'avenir de ces composantes.

Devant cette complexité, l'homme d'aujourd'hui a-t-il véritablement les moyens de relever ces défis et de préserver le monde pour les générations futures ?

 

HDA, le 06/06/2010