Le développement humain post conflit: de la complexité à l'hyper complexité

Par Philippe Parnet 

 

 

De la guerre nait la paix.

 

Inévitablement, à plus ou moins longue échéance, l'histoire nous prouve que de la guerre surgit la paix. Mais l'histoire bien trop souvent s'arrête à la notion la plus simple de la paix, cette paix qui dans le sens commun correspond à la paix des armes. Cette paix que les livres d'histoire clôturent par une date, la date du traité signé qui met fin aux hostilités officielles.
Cette paix est une paix civile.
Mais à ce stade, la véritable paix n'est pas définitive car la paix est à plusieurs détentes. Pour avoir une chance de perdurer, la paix civile doit tout d'abord être rapidement suivie par une paix sociale. Ne pas tenir compte de cette réalité, c'est courir le risque de l'émergence d'une dictature, du nationalisme, de l'intégrisme ou de basculer dans l'une de formes de guerre des plus destructrices et pernicieuses, la guerre civile.

 

Ainsi, la paix des armes, étape essentielle à toute possibilité de développement ou plus exactement de neo-développement devra être suivie, pour être durable, par la paix sociale pour enfin permettre à la paix véritable de s'établir.
Car la paix ne sera complète que lorsque la paix des âmes sera enfin retrouvée, c'est du moins le vœu le plus cher de tout homme qui un jour s'est vu confronté à la guerre.
Dans cette quête d'un nouveau départ, ce chemin de la paix des âmes sera sans aucun doute le plus dure, le plus compliqué et le plus long à parcourir car ce chemin est un chemin intérieur et propre à chaque individu.

 

Cependant, ce parcours individuel sera inévitablement conditionné par l'environnement dans lequel il pourra se dérouler, et ici les actions communes destinées au retour de la paix sociale prennent toute leur importance.


Dans le contexte post conflit, L'espace de développement a été modifié, l'équilibre initial pré-conflit s'est rompu, l'ensemble des composantes est à reconstruire et ceci dans l'ensemble des dominantes et pour l'ensemble des fonctions de l'espace de développement humain.

 

Les acteurs post-conflits ont été meurtris, leurs proches tués, leur environnement détruit, leurs croyances mises à mal, certains ont été déplacés, les « cerveaux », des tranches de sociétés aisés mais détentrices de savoir fondamentaux d'administration, de finances et de techniques ont fuit à l'étranger, des tranches d'âge ont perdu des années d'éducation, de formation ....dans le contexte de guerre ou l'instinct de survie a pu conduire à des réactions individualistes, des rancœurs vis-à-vis des voisins d'hier et d'aujourd‘hui se sont crées et exacerbés.

 

Les acteurs ont perdu leurs repères, leurs idées passées les ont conduits au conflit, leurs moyens d'action ont été détruits ou pillés, leur espace de vie est resté mais s'est radicalement transformé.


Alors la paix civile retrouvée, le retour à la paix sociale passe par ce que l'on nomme communément la reconstruction.
Si à la suite d'un conflit, du point de vue du choc des images, la nécessité de reconstruire physiquement l'espace est une évidence, la définition de ce que signifie « la reconstruction » est bien loin de l'être autant.
Ainsi, « La reconstruction » se place comme le facteur déterminant qui permettra d'établir la paix sociale.
« La reconstruction » est confrontée à des enjeux énormes. Elle doit répondre aux besoins vitaux immédiats tout en évitant de créer des structures organisées dans l'urgence qui risqueraient de perdurer et de réitérer, voire de créer des dysfonctionnements de la société susceptibles de relancer la guerre sous sa forme civile.
Ainsi la guerre sociale dont « la reconstruction » est l'instrument principal est une lutte qui se joue sur un registre ou la diplomatie, la force militaire et l'aide humanitaire d'urgence ne doivent être que les fragments d'un ensemble complexe. Car cet ensemble est un espace où coexistent les sphères d'influences et de compétences telles que la politique, l'économie, la sociologie, l'histoire, la culture, et tous les éléments de la construction physique de l'espace : géographie, ingénierie et architecture (la spatialité).
Un ensemble qui appartenait à la population et que celle-ci doit se réapproprier le plus vite possible.

 

Par essence, les sciences de la ville avec leur prolongement dans l'aménagement du territoire doivent s'imposer comme le vecteur central de l'organisation et de la gestion de la guerre sociale. En effet, par la prise en compte des différents facteurs inhérents à ces sphères d'influences et de compétences, son analyse stratégique permettra de connaître l'environnement de l'ensemble des acteurs impliquées dans « La reconstruction », de comprendre leurs motivations et leurs objectifs, pour ensuite créer les synergies nécessaires à la mise en place de modes d'actions coordonnés capables d'engendrer la paix.

 

 

 HDA, le 20/06/2010