Copenhague, une victoire pour l'humanité !

Par Philippe Parnet 

 

 

La presse, relayant le sentiment de la majorité des acteurs, semble unanime pour qualifier le sommet de Copenhague d’échec.

Sans alourdir mon propos par une revue de presse longue et fastidieuse, regardons simplement et brièvement les commentaires suivants du journal « Le Monde » du 19 décembre 2009.

Après 12 jours de sommet, le bilan du sommet de Copenhague sur le climat est peu reluisant : un accord non contraignant qui n'est pas signé par tous les pays, obtenu par des négociations de couloirs.

"Un échec lamentable", pour les écologistes. En France, comme partout ailleurs dans le monde, associations et partis écologistes sont unanimes : cet accord ne va pas assez loin. Certains, comme les Verts français, estiment qu'il s'agit d'un "lamentable fiasco". Nicolas Hulot se dit "consterné". Le réseau international des Amis de la terre se dit "écœuré de l'incapacité des pays riches à s'engager".

Un accord sans ambition... et sans contraintes. Le principal échec de Copenhague est l'accord obtenu par les Etats-Unis et la Chine lors de discussions parallèles. Le "G2" a fait la négociation, sans que les Européens ou les pays en développement aient vraiment leur mot à dire.

Le président français s'est beaucoup investi dans le sommet, et il a vite conclu, vendredi, que "le meilleur accord possible avait été trouvé".

Alors que conclure, devons nous admettre sans réagir qu’il y a échec ? Copenhague ne serait il pas au contraire une véritable victoire pour l’humanité.

Car en réalité, l’utilisation du terme « échec » ne devrait il pas s’appliquer, non pas au sommet en lui-même mais à toutes ces personnes qui n’ont que ce mot à la bouche.

Ce sommet n’est pas un échec, il est simplement l’échec des aveugles, des défaitistes et des doctrinaires qui, drapés dans leurs « robes vertes » de défenseur du développement, s’imaginent détenir la vérité sur les directions à prendre.

 

Car les avertissements ne datent pas d’hier et notamment au sein de l’UE.

« Il est clair que le développement durable de l’UE ne peut pas encore être considéré comme durable, ni même en voie de le devenir.» Voilà les termes de la conclusion d’un rapport de la Commission Européenne de 2006 qui prenait déjà à cette date le contre-pied de l’impression commune qui laissait supposer, par tout le tapage médiatique autour du développement durable, que tous les acteurs de tous les domaines de la société semblaient profondément conscients et impliqués dans l’action.

Alors, pourquoi malgré tous les efforts déployés et le nombre d’année passé depuis la naissance du concept en 1987, en sommes nous arrivé plus de 20 ans plus tard à une telle conclusion ?

Le développement durable serait il un sujet si complexe que sa gestion en serait devenue hors de portée des capacités de l’humanité ?

« Il y a inadéquation de plus en plus ample, profonde et grave entre, d’une part, nos savoirs disjoints, morcelés, compartimentés et d’autre part, des réalités ou problèmes de plus en plus poly-disciplinaires, transversaux, multidimensionnelles, transnationaux, globaux, planétaires. […] L’intelligence parcellaire, compartimentée, mécaniste, disjonctive, réductionniste, brise le complexe du monde en fragment disjoints, fractionne les problèmes, sépare ce qui est relié, unidimensionnalise le multidimensionnel. […] Aussi, plus les problèmes deviennent multidimensionnels, plus il y a incapacité à penser leur multidimensionnalité ; plus progresse la crise, plus progresse l’incapacité à penser la crise; plus les problèmes deviennent planétaires, plus ils deviennent impensés. Incapable d’envisager le contexte et le complexe planétaire, l’intelligence aveugle rend inconscient et irresponsable. »

Cette réflexion d’Edgar Morin, sévère mise en garde contre les effets de l’individualisme de nos sociétés ou chacun pense son domaine comme le plus fondamental, ne doit pas briser l’espoir de réussir à penser un développement durable multidimensionnel.

 

Alors, Copenhague ne serait il pas réellement une victoire, la victoire de l’humanité et de ses différences qui en font la force, la victoire des hommes par leur refus de la pensée unique.

Car la véritable leçon de Copenhague n’aurait elle pas déjà été écrite il y a bien longtemps au travers de ces mots de Montesquieu : « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie, il ne faut pas être au dessus des hommes, il faut être avec eux ».

Le sommet de Copenhague focalisé sur les thèmes d’un développement durable s’est fourvoyé en oubliant qu’il n’était en réalité qu’une partie d’un développement englobant et bien plus important, celui du développement humain conceptualisé par l’ONU dés 1990.

Et la conclusion de Copenhague n’est que le reflet du rappel de l’homme à ses instances dirigeantes que toute action ne peut avoir de sens que si elle est ressentie par la population comme étant une part d’elle-même, dirigée par elle et orientée pour répondre çà ses attentes.

 

Copenhague n’est donc pas un échec, tout au plus le constat éclatant et médiatisé que les approches actuelles devaient être repensées.

En effet, dans ce domaine encore récent du développement humain et d’une manière plus restrictive de développement durable, nous sommes toujours dans le cadre de la recherche et chaque essai non concluant, chaque tentative avortée, n’ont pas lieu d’être considérés comme des échecs mais au contraire comme des étapes nécessaires. Chaque étape, quand elle est considérée comme telle et véritablement analysée devient une victoire en ce sens que le travail accompli permet de se repositionner pour de nouvelles recherches qui elles mêmes seront jalonnées par d’autres étapes à venir.

Alors, si nous acceptons ce constat, Copenhague est une grande victoire, car ce sommet va nous permettre de franchir un pas, le pas décisif qui s’impose à nous, le pas du « réfléchir autrement ».

 

Le « réfléchir autrement», comment ? Quelle alternative avons-nous ?

Tout d’abord, voyons où nous en sommes aujourd’hui du point de vue de l’action.

Les différences de cultures, le niveau de développement et de maturité des états et les caractéristiques géographiques des zones d’intervention ont développé des perceptions différentes du développement durable dans le monde.

Ainsi, aujourd’hui, il est possible d’en dégager quatre approches représentatives :

  • Le courant anglo-saxon basé sur la notion du green business,
  • Le courant scandinave et germanique appuyé sur l’esprit de citoyenneté et une conscience environnementale développée.
  • Le courant basé sur l’incitation des états pour l’application de démarches élaborées par des organismes publics ou semi publics (Type français basé sur des démarches dont l’emploi est laissé au libre arbitre des décideurs comme l’AUE et la HQE)
  • Les initiatives ponctuelles dont celles des deux plus grands constructeurs du monde : l’Inde et la Chine.

En Europe, nous retrouvons bien évidemment ces quatre approches avec des degrés d’évolution très différents.

Le royaume uni s’impose comme le leader du green business, les pays nordiques et germaniques s’appuient sur l’esprit citoyen et la France préfère jouer sur l’intervention feutrée de l’état.

Mais comment situer les pays du sud comme l’Italie, l’Espagne et la Grèce et les pays de l’ex bloc de l’est que l’on peut diviser en deux groupes, les membres de l’UE et les pays à vocation européenne incontestable comme les ceux des Balkans.

Alors une conclusion s’impose, l’ensemble des démarches, aussi différentes dans leurs approches que dans leurs objectifs immédiats se basent sur l’acceptation de critères de développement globaux identiques.

Ainsi, le nombre important de méthodes appliquées chacune à des échelles relativement faibles et non systématiques aujourd’hui semble nuire à l’approche internationale actuelle dont l’axe centrale n’est plus de permettre le développement en soit, mais de pouvoir se doter de moyens de contrôle des engagements pris par ses « voisins ».

En effet, l’un des « échecs » de l'accord de Copenhague serait de ne pas prévoir la création d'une Organisation mondiale de l'environnement qui aurait pu vérifier la mise en œuvre des engagements de chacun et donc de les contraindre légalement.

Par ailleurs, dans un secteur ou les pouvoirs publics se doivent d’être exemplaires et leader, la multiplicité de ces approches pose le problème de la prise en compte des critères de développement durable dans les appels d’offres publics, libre accès égalitaire à la commande public, base d’évaluation, pondération…. détermination objective des mieux disants.

Ainsi, la volonté d’harmonisation des approches, de concentration du contrôle au sein d’un organisme unique correspond bien évidement à la réponse classique à la complexité.

Mais Copenhague nous alerte et nous indique qu’il est plus que jamais nécessaire de « réfléchir autrement ».

 

Alors, oui dans la recherche du développement, une autre voie semble possible et doit être explorée sans tarder.

Cette voie est double:

Le développement des capacités des acteurs par l’information, la formation et l’accompagnement :

  • Pour les acteurs locaux afin de leur permettre d’apporter des réponses locales avec des moyens locaux
  • Pour les acteurs orientés vers l’extérieur afin de leur permettre de répondre aux offres éloignées de leurs habitudes et de leurs spécificités nationales.

Le développement d’une approche sectorielle. Approche de synthèse des démarches et concept déjà évoqués qui devra permettre à tous d’aborder le développement en suivant sa propre vision. Il s’agira d’une approche de consensus et de langage commun ou chacun pourra prendre tout ou partie des enjeux qui correspondent le mieux a sa vision du développement.

 

 

HDA, le 04/07/2010